Les initiatives stratégiques de changement social et comportemental dans le cadre des efforts de vaccination contre la poliomyélite au Zimbabwe
Résumé
Cet article explique comment une campagne exhaustive de CSC a permis de faire face à une épidémie de PVDVc2 en sʼappuyant sur des stratégies qui ont renforcé la participation communautaire et mis à mal la désinformation.
Les initiatives stratégiques de changement social et comportemental dans le cadre des efforts de vaccination contre la poliomyélite au Zimbabwe
En 2023, le Zimbabwe a dû faire face à une crise profonde de son système de santé public lorsque le poliovirus circulant de type 2 dérivé d’une souche vaccinale (PVDVc2) a été détecté dans trois des cinq sites de surveillance environnementale de la poliomyélite à Harare. Cette découverte a suscité bien des inquiétudes dans la mesure où elle était concomitante avec, d’une part, la résurgence d’autres maladies évitables par la vaccination, telles que la rougeole et la diphtérie, et, d’autre part, une flambée de choléra, exerçant une pression supplémentaire sur les infrastructures de santé publique. Le 26 octobre 2023, le Ministère de la santé et de la protection de l’enfance a déclaré la flambée de PVDVc2 « urgence de santé publique de portée internationale ».
Face à la situation, le Ministère a dû planifier dans l’urgence trois activités de vaccination supplémentaires s’appuyant sur le nouveau vaccin antipoliomyélitique oral de type 2 (nVPO2), le lancement de la campagne étant prévu pour début 2024. L’initiative a été placée sous le sceau d’une stratégie active de changement social et comportemental (CSC) – point crucial pour informer et mobiliser les communautés s’agissant des risques associés à la polio et de l’importance que revêt la prochaine campagne de vaccination. Le bureau de l’UNICEF au Zimbabwe a joué un rôle de première importance en assistant le Ministère dans le déploiement des instruments et stratégies de CSC. Ces efforts visaient à impulser un changement de comportement positif au sein des communautés et parmi les personnes s’occupant d’enfants. Il s’agissait de relever différents défis en influant sur les attitudes, les croyances et les comportements en suscitant l’adhésion au programme de vaccination et en augmentant le taux d’acceptation.
Stratégies
Cette approche de CSC holistique adoptée par le Ministère de la santé et de la protection de l’enfance, avec le soutien du bureau de l’UNICEF au Zimbabwe, intégrait des stratégies et des instruments novateurs à même de faire face efficacement à la flambée de poliomyélite. La démarche, combinant outils innovants et activités coordonnées, avait été soigneusement élaborée de sorte à relever les défis engendrés par ladite flambée. Répondant aux critères d’une approche sur mesure de la gestion de crise, les efforts ont mis en lumière la force de la participation des populations et des ripostes optimisées en matière de santé publique, transcendant les milieux socioculturels.
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- Cartographie des données sociales : elle s’appuie sur l’examen des profils communautaires en vue d’identifier les parties prenantes clés et d’optimiser la participation tous milieux socioculturels confondus, démultipliant la portée et l’impact des messages sanitaires.
- Suivi des performances des agents sanitaires de village : il permet d’effectuer le suivi et l’évaluation des activités des agents de santé, garantissant ainsi la responsabilité et l’efficacité de leurs interventions de proximité.
- Système de suivi et de gestion des refus : il enregistre les cas et consigne les raisons de la réticence à la vaccination, favorisant des ajustements en temps réel et des stratégies de communication ciblées.
- Plan opérationnel à haut risque : il cible les districts enregistrant de faibles performances, au moyen d’interventions sur mesure, en vue de surmonter les obstacles à la couverture vaccinale et d’améliorer les taux de vaccination globaux.
- Distribution de supports pédagogiques : elle permet de dispenser les informations et lignes directrices essentielles à l’aide de supports tels que le guide de poche destiné aux travailleurs sanitaires de village, facilitant la cohérence des messages ainsi qu’une participation éclairée des populations.
Cartographie des données sociales :
La cartographie des données sociales est un outil dynamique qui s’inscrit dans la stratégie de CSC, reflétant minutieusement le paysage complet des parties prenantes, des organisations locales et des points de rassemblement social cruciaux. Cet outil est conçu pour cerner avec acuité le tissu social composant les communautés et comprendre les interactions, corrélations et comportements – un impératif pour mobiliser les différents groupes efficacement. L’un des atouts essentiels de la cartographie des données sociales réside dans sa capacité à faciliter une participation communautaire planifiée, systématique et efficace, en élargissant ainsi la portée de la diffusion des messages de santé clés auprès de tous les segments de la population.
L’outil de cartographie des données sociales comprend les éléments clés suivants :
- Cartographie des parties prenantes et des acteurs influents : identification des principaux porteurs de dynamiques communautaires (dirigeants locaux, institutions traditionnelles, acteurs religieux influents, etc.).
- Pôles communautaires : réalisation de la cartographie des structures sociales essentielles telles que les églises, mosquées, marchés et entreprises.
- Établissements éducatifs et de santé : visualisation détaillée des emplacements des écoles (publiques et privées), des centres de développement de la petite enfance et des établissements de soins (y compris privés).
- Modes de transport et points de migration : recensement des gares routières, points de passage frontaliers et aires fréquentées par les populations nomades.
- Services et ressources d’utilité publique : identification des points d’eau, aires de jeux et centres de distribution alimentaire essentiels pour les rassemblements et interactions communautaires.
Composantes de l’outil de cartographie sociale |
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Collectées méthodiquement à l’échelon opérationnel, ces données étayent les processus de microplanification et sous-tendent des efforts de mobilisation sociale soutenus. Au Zimbabwe, ces efforts ont considérablement stimulé la demande de vaccins nVPO2 parmi les personnes s’occupant d’enfants, notamment âgés de moins de 10 ans. Lors de la deuxième phase de la campagne de vaccination nationale pour le nVPO2, lancée les 19-22 mars 2024 à l’école primaire Research dans le district de Kadoma de la province occidentale de Mashonaland, la cartographie des données sociales s’est avérée concluante. Les campagnes d’orientation et de sensibilisation ciblées dont ont bénéficié les coordonnateurs scolaires ont largement contribué à l’instauration d’un environnement favorable à la réussite des campagnes de vaccination.
Outil de compte rendu des activités des agents sanitaires de village
Pour s’assurer de l’efficacité et de l’efficience des agents sanitaires de village, un outil avancé de compte rendu des activités a été mis en place. L’outil consigne les données liées aux performances enregistrées pendant la campagne de vaccination, constituant le pilier fondamental de tout système de reddition de comptes. En documentant les effets et les réalisations attendues, l’outil favorise l’évaluation et l’appréciation minutieuses des efforts déployés par les agents sanitaires de village, consolidant leur rôle indispensable dans la participation des populations et la mobilisation sociale. La mise en place de cet outil de collecte des données a non seulement permis de rationaliser les processus, mais elle a également fourni des éléments probants documentant les fonctions et activités assumées par les agents sanitaires de village, décuplant l’efficacité globale de la campagne.
Système de suivi et de gestion des refus
Une composante essentielle de l’outil de CSC est sa plateforme en ligne permettant d’enregistrer et de gérer les refus de vaccination et les actions des adversaires des vaccins qui se manifestent au cours de la campagne. Ce système joue un rôle primordial dans l’identification des raisons sous-jacentes de la réticence vaccinale, permettant aux équipes de santé d’adapter efficacement leurs stratégies en fonction du contexte. En cernant les préoccupations et les préjugés au sein des populations, les équipes chargées de la promotion de la santé sont à même de déployer des stratégies de communication personnalisées, synonymes d’accroissement des taux d’acceptation et d’adhésion vaccinales.
Plan opérationnel à haut risque
Le plan opérationnel à haut risque est une initiative stratégique vouée à cibler les districts qui ont régulièrement manqué leurs objectifs au titre de l’enquête utilisant la méthode d’échantillonnage par lots. Ce plan complet joue un rôle crucial dans les efforts visant à affronter et relever les défis propres aux zones caractérisées par un taux de couverture vaccinale historiquement bas. Il évalue rigoureusement les difficultés opérationnelles potentielles freinant l’élaboration de stratégies de CSC, tout en se fixant comme objectif d’améliorer sensiblement la qualité et la riposte en matière de couverture vaccinale afin de se conformer aux normes mondiales.
Le plan opérationnel à haut risque comprend les composantes clés suivantes :
- Identification des établissements humains à haut risque : localiser les zones requérant une attention toute particulière en raison de leur profil à haut risque.
- Problèmes et obstacles critiques : analyse des freins entravant l’objectif d’une couverture vaccinale supérieure à 95 %.
- Analyse des causes profondes : examen des raisons sous-tendant les échecs passés afin d’éclairer les stratégies futures.
- Objectifs clairement définis : établissement d’objectifs ciblés et mesurables dans une optique d’amélioration.
- Activités planifiées : énumération détaillée des actions requises pour remplir ces objectifs.
- Effets escomptés : résumé des résultats anticipés de ces activités.
- Calendrier : définition d’échéances pour atteindre les objectifs d’étape.
- Indicateurs de performance : indicateurs permettant de mesurer les progrès sur la voie des objectifs.
- Sources de financement : identification des ressources financières pour soutenir le plan.
- Responsabilité des acteurs : chaque aspect du plan doit faire l’objet d’un volet de reddition de comptes.
Le plan opérationnel à haut risque intègre un système avancé de suivi et évaluation garantissant efficacité et adaptabilité. Le système permet le suivi du statut de la mise en œuvre (à savoir partielle, terminée ou inexistante), explicite les raisons de toute mise en œuvre partielle ou incomplète, et propose des pistes pour une reprogrammation, le cas échéant. Le suivi continu permet des ajustements stratégiques en temps opportun, garants d’une intervention réactive en phase avec la situation sur le terrain, susceptible de se traduire par des résultats remarquables, même dans les situations les plus extrêmes.
Cette approche stratégique a entraîné des améliorations notables dans des districts qui affichaient des résultats décevants, démontrant de fait l’impact tangible de stratégies opérationnelles bien planifiées et exécutées. En répondant aux enjeux locaux spécifiques à l’aide d’interventions sur mesure, le plan opérationnel à haut risque s’est révélé décisif dans la poursuite des efforts du Zimbabwe pour éradiquer la poliomyélite.
Le guide de poche destiné aux agents sanitaires de village
En vue d’accompagner les agents sanitaires de village dans le cadre de leurs missions essentielles avant et pendant les campagnes, un guide de poche complet a été mis au point. Distribué sous forme numérique via WhatsApp et d’autres plateformes, ce guide comprend les informations et lignes directrices essentielles, garantissant une compréhension et un mode d’action cohérents parmi les agents de santé au Zimbabwe. Cet accès facilité à des informations harmonisées et précises s’est révélé déterminant dans notre capacité à garantir une stricte conformité avec les normes définies dans le cadre de l’exécution de la campagne.
Grâce notamment au soutien du bureau de l’UNICEF au Zimbabwe, la mise en place proactive des outils de CSC par le Ministère de la santé et de la protection de l’enfance a amélioré sensiblement les taux de participation de la population et d’acceptation vaccinale. Ces outils ont permis de relever des défis de première importance en influençant les attitudes, les croyances et les comportements, posant les jalons d’une campagne concluante pour l’introduction du nVPO2 au Zimbabwe. Le recours stratégique à la cartographie des données, au suivi des performances et à la gestion des refus a permis non seulement de répondre aux besoins sanitaires immédiats, mais aussi de remobiliser les capacités du Zimbabwe dans une perspective de gestion efficace des crises de santé publique.
Résultats
Grâce notamment au soutien du bureau de l’UNICEF au Zimbabwe, la mise en place proactive des outils de CSC par le Ministère de la santé et de la protection de l’enfance a amélioré sensiblement les taux de participation de la population et d’acceptation vaccinale. Ces outils ont permis de relever des défis de première importance en influençant les attitudes, les croyances et les comportements, posant les jalons d’une campagne concluante pour l’introduction du nVPO2 au Zimbabwe. Le recours stratégique à la cartographie des données, au suivi des performances et à la gestion des refus a permis non seulement de répondre aux besoins sanitaires immédiats, mais aussi de remobiliser les capacités du Zimbabwe dans une perspective de gestion efficace des crises de santé publique.