Les campagnes novatrices de vaccination contre la poliomyélite à Madagascar, soutenues par le ministère de l’Éducation nationale, ont intégré les écoles en tant que centres clés pour atteindre les enfants âgés de 5 à 14 ans. En ciblant plus de 7 millions d’enfants d’âge scolaire, l’approche a adapté des stratégies de changement social et comportemental (CSC) pour vacciner 28 % du total des enfants vaccinés dans les établissements scolaires. Les directeurs d’école, les enseignants et les associations de parents d’élèves se sont engagés à promouvoir les vaccinations, tandis que des événements symboliques de vaccination dans les salles de classe ont renforcé la confiance du public. Ce modèle met en évidence le rôle crucial des écoles dans l’amélioration de la situation sanitaire et dans la progression des efforts d’éradication de la poliomyélite.
Photo : Séance de vaccination dans une école. UNICEF/2024/Rimoyal Ratnan
L’engagement de Madagascar en faveur de la vaccination contre la poliomyélite
A Madagascar, le ministère de la Santé publique (MSANP), à travers sa Direction du Programme élargi de vaccination (PEV) et le centre d’opérations d’urgence poliomyélite (COUP), a démontré son engagement en faveur de la santé publique en menant sept séries d’activités de vaccination supplémentaire (SIA) contre la variante du poliovirus de type 1 depuis mai 2023. Avec le soutien des partenaires de l’initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (IMEP), ces campagnes visaient à protéger les populations vulnérables grâce à des efforts de vaccination complets. La dernière tournée, qui a eu lieu en octobre 2024, a porté sur la vaccination contre la rougeole et le la vaccination de rattrapage pour les enfants n’ayant reçu aucune dose et les enfants sous-vaccinés, en plus des efforts d’immunisation de routine. Les divers groupes cibles - allant des enfants âgés de 0 à 59 mois et de 0 à 15 ans aux adultes dans des régions spécifiques - ont nécessité des stratégies de changement social et comportemental (CSC) adaptées afin de garantir un impact maximal.
Relever un défi majeur
Chaque cycle a été confronté à la tâche colossale de vacciner plus de 12 millions d’enfants âgés de 0 à 14 ans, dont 7 millions âgés de 5 à 14 ans. Un suivi indépendant a révélé que la raison la plus fréquente des vaccinations manquées était l’absence des enfants lors des visites de vaccination. Pour y remédier, il a fallu renforcer le plaidoyer pour impliquer le ministère de l’Éducation nationale (MEN) et faciliter les vaccinations en milieu scolaire, où les enfants passent une grande partie de leur journée. Cette approche a également nécessité le consentement des parents afin d’assurer une large acceptation.
Collaboration initiale et enseignements tirés
La première collaboration entre le MSANP et le MEN a été expérimentée lors de la quatrième série d’activités de vaccination supplémentaire en octobre 2023. Bien que l’initiative ait constitué une avancée significative, plusieurs défis ont été relevés :
- Retards de communication : les informations sur la campagne sont parvenues trop tard dans les régions, les districts et les centres de santé de base.
- Engagement limité : les administrateurs de l’école ont été peu impliqués dans la communication, la défense des intérêts et la mise en œuvre de la campagne.
- Difficultés de cartographie : les outils de cartographie scolaire ont été sous-utilisés, ce qui a entraîné des estimations inexactes du nombre d’enfants à vacciner.
- Consentement des parents : le dialogue avec les parents n’a pas été suffisant pour obtenir leur consentement aux vaccinations dans les écoles.
- Participation des parties prenantes : la collaboration avec des entités telles que la Direction nationale des écoles catholiques (DINEC) a été limitée et l’engagement des dirigeants locaux a été irrégulier.
Malgré ces difficultés, l’expérience a permis de tirer des enseignements précieux pour affiner l’approche des futures campagnes.
Renforcer l’approche avec le soutien de l’UNICEF
En décembre 2023, une mission de soutien au CSC du siège de l’UNICEF à Madagascar s’est concentrée sur l’amélioration de la stratégie de vaccination en milieu scolaire. S’appuyant sur les leçons tirées en octobre 2023, la commission « Mobilisation sociale et communication » a co-créé une approche de CSC révisée. Ce plan, intégré dans les budgets de campagne, a été conçu comme une stratégie innovante pour combler les lacunes antérieures. La mise en œuvre a commencé dès que la MSANP a confirmé les dates de la campagne 2024.
Photo : Session de plaidoyer au ministère de l’Éducation nationale (directeur de l’éducation obligatoire) avec les membres du COUP et de l’IMEP. UNICEF/2024/Rimoyal Ratnan
Activités stratégiques
L’approche de CSC affinée a été présentée lors du premier tour de 2024 en mai. La campagne comprenait :
- Des avis officiels du MSANP au MEN pour informer les autorités scolaires de la campagne de vaccination.
- Des instructions aux directeurs régionaux, de district et locaux de l’éducation pour qu’ils collaborent avec le MSANP pour les vaccinations en milieu scolaire.
- Des sessions de plaidoyer avec les représentants du MEN menées par le COUP, soutenues par les partenaires de l’IMEP.
- Une collaboration avec la division santé de la DINEC pour faciliter les vaccinations dans les écoles catholiques.
- Le déploiement de messages clés, de supports visuels et de spots audiovisuels pour impliquer les parents.
- Des événements symboliques de lancement avec des vaccinations en milieu scolaire pour renforcer la confiance du public.
- Une cartographie scolaire détaillée pour estimer le nombre d’enfants éligibles à la vaccination.
- La mobilisation des associations de jeunes et de femmes pour encourager la participation des parents.
Photo : Vaccination symbolique des enfants lors du lancement de la campagne par le préfet de Tamatave. UNICEF/2024/Rimoyal Ratnan
Des résultats prometteurs
Les résultats du suivi indépendant du premier cycle d’activités de vaccination supplémentaire en 2024 ont montré des progrès significatifs :
- Sensibilisation : 97 % des parents ont été informés de la campagne, principalement par des visites de porte à porte effectuées par des mobilisateurs sociaux (65 %).
- Vaccination en milieu scolaire : sur les 7 835 742 enfants âgés de 5 à 14 ans vaccinés, 28 % (2 216 997) ont été vaccinés dans les écoles.
- Bien que des refus aient été signalés, en particulier dans les écoles privées, y compris les établissements catholiques, ces difficultés ont été atténuées grâce à des comités locaux de gestion des refus et à des activités de sensibilisation supplémentaires. Les visites en fin de semaine dans les foyers et les lieux de culte ont permis de minimiser les taux de refus. Depuis le début de la réponse en mai 2023, aucun nouveau cas de PVDVc1 n’a été détecté.
Enseignements de la campagne et prochaines recommandations
Les points à retenir pour améliorer cette approche sont les suivants :
• Mobiliser la DINEC au moins un mois avant les campagnes pour assurer une préparation complète.
• Impliquer très tôt les directeurs d’école et les responsables d’associations de parents d’élèves par le biais d’un dialogue avec les représentants locaux des secteurs de la santé et de l’éducation.
• Partager les résultats de la campagne avec le MEN pour insister sur la valeur de leurs contributions.
• Encourager la participation des dirigeants politiques, administratifs, religieux et traditionnels pour renforcer la mise en œuvre
Cette approche de CSC est prometteuse non seulement pour les campagnes de vaccination contre la poliomyélite ciblant les enfants dans les écoles, mais aussi pour l’introduction du vaccin contre le papillomavirus dans le programme de vaccination de routine de Madagascar. En l’adaptant au contexte, elle peut être reproduite dans d’autres pays pour obtenir un succès similaire.
Rédigé par Rimoyal Ratnan, consultant international SBC Polio/PEV, UNICEF Madagascar