En 2023, Madagascar a étendu ses efforts de vaccination contre la poliomyélite aux adultes, en ciblant quatre régions à haut risque : Vakinankaratra, Alaotra Mangoro, Analamanga et Atsimo Andrefana. Grâce à des stratégies adaptées de changement social et comportemental (CSC), les campagnes ont permis de surmonter les réticences à l’égard des vaccins et les problèmes logistiques par des activités de sensibilisation sur les lieux de travail, dans les institutions religieuses et dans les espaces publics. Un leadership symbolique, un plaidoyer de haut niveau et une coordination régionale ont permis d’assurer une couverture vaccinale de 97 % dans certaines régions, démontrant ainsi le pouvoir des approches innovantes de CSC pour protéger les populations vulnérables.
Entre 2023 et 2024, Madagascar s’est lancé dans une ambitieuse mission de vaccination des adultes contre la variante de type 1 du poliovirus dans quatre régions à haut risque : Vakinankaratra, Alaotra Mangoro, Analamangaet Atsimo Andrefana. Traditionnellement, les efforts de vaccination contre la poliomyélite se concentraient sur les enfants, mais le besoin urgent de mettre fin à la propagation du virus a incité le ministère de la Santé publique (MSANP) à étendre la campagne aux adultes. Bien qu’il n’y ait pas de déclaration officielle d’épidémie, cette approche proactive a mis en évidence l’efficacité des stratégies innovantes de changement social et comportemental (CSC) dans les initiatives de santé publique.
Défis
Cibler les adultes pour la vaccination contre la poliomyélite a présenté des défis uniques :
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La méconnaissance de la vaccination des adultes : de nombreux adultes n’avaient jamais reçu de vaccin contre la poliomyélite et n’étaient pas conscients de son importance pour leur groupe d’âge.
- Des conflits de calendrier : les activités de vaccination ont été planifiées pendant les jours de semaine, lorsque la plupart des adultes étaient au travail, assistaient à des services religieux ou participaient à des événements publics.
- La réticence à la vaccination : le scepticisme et la réticence des adultes ont nécessité des efforts soutenus pour instaurer la confiance et encourager la participation.
Les interventions stratégiques de CSC
Pour surmonter ces obstacles, le MSANP a mis en œuvre une série de stratégies de CSC sur mesure :
1. Une communication et une mobilisation sur-mesure
- Annonces officielles : ces annonces ont été envoyées aux responsables régionaux de la santé, aux ministères et aux ambassades pour favoriser la collaboration et élargir la sensibilisation.
- Des messages spécifiques aux adultes : création de documents d’information ciblés pour les adultes, les différenciant des campagnes axées sur les enfants.
2. La collaboration avec les entreprises
- Collaboration avec les chefs d’entreprise : des réunions de sensibilisation ont été organisées avec le Groupement des entreprises malgaches (GEM) afin de faciliter les vaccinations sur place.
- Diffusion des informations : le GEM a communiqué les informations sur la campagne à ses membres, ce qui a permis de mettre en place des séances de vaccination organisées par les entreprises et soutenues par des équipes de santé.
3. Des partenariats avec les responsables religieux et communautaires
- Cartographie des institutions : l’identification des lieux clés tels que les églises, les mosquées et les centres communautaires pour les campagnes de vaccination.
- Réunions de sensibilisation : des personnalités religieuses et des autorités locales ont été invitées à promouvoir la vaccination au sein de leurs communautés.
4. Le soutien des Nations unies
- Campagnes internes : le coordinateur résident des Nations unies a encouragé les agences des Nations unies à vacciner le personnel et leurs familles, en organisant des séances sur les sites des Nations unies.
5. Le leadership par l’exemple
- Vaccinations publiques : les hauts fonctionnaires, notamment les gouverneurs et les préfets, se font vacciner publiquement pour inspirer confiance.
6. Une coordination efficace
- Centres d’appel : des centres régionaux ont été mis en place pour programmer et coordonner les séances de vaccination dans différents lieux.
Photo : Le gouverneur d’Analamanga se fait vacciner lors du lancement de la campagne. Tous droits réservés.
Photos : Le général Pikulas participe à une séance d’information pour les étudiants de l’académie militaire à Antsirabe. UNICEF/2023/Razafindralambo Hery Nirina.
Des initiatives spéciales :
- Les Jeux des îles de l’océan Indien à Antananarivo ont été l’occasion de vacciner les participants, à la suite d’un plaidoyer auprès des organisateurs de l’événement.
- Mise en œuvre d’une approche « bureau à bureau » pour atteindre les personnes qui hésitent à participer.
Les résultats
L’approche stratégique de la campagne a permis d’obtenir des résultats significatifs :
Des taux de vaccination élevés :
- Atsimo Andrefana : taux de vaccination de 97 % pour les deuxième et troisième tournées.
- Analamanga : augmentation de 88 % à la deuxième tournée à 95 % à la troisième.
- Alaotra Mangoro : passe de 90 % à 95 % entre les deux tournées.
- Vakinankaratra : amélioration de 94 % à 95 % sur la même période.
Une utilisation efficace des lieux de réunion :
- Les vaccinations ont été administrées avec succès sur les lieux de travail, dans les institutions religieuses et dans les lieux publics.
- Des entreprises comme Orange Telecom ont organisé des séances de vaccination sur place.
Enseignements tirés
La campagne a révélé des informations précieuses :
1. Résistance urbaine : les adultes vivant dans des zones urbaines dotées d’un bon système d’assainissement se sentent souvent moins à risque et sont plus résistants à la vaccination.
2. Le plaidoyer est crucial : le soutien de haut niveau des dirigeants du MSANP a été essentiel pour unir les différents secteurs et assurer le succès de la campagne.
3. L’influence des personnalités modèles : les vaccinations publiques effectuées par des personnalités respectées ont contribué à atténuer les craintes et à inciter d’autres personnes à faire de même.
4. Atteindre les entreprises privées : il a été difficile d’impliquer les entreprises en dehors du réseau du GEM, ce qui indique la nécessité de mettre en place des stratégies de sensibilisation plus globales.
5. Collecte de données : le manque de données détaillées sur les lieux de vaccination a empêché une analyse approfondie de la portée et de l’efficacité de la campagne.
Photo : Le coordinateur résident des Nations unies de l’époque et les chefs d’agence peu après leur vaccination au centre de vaccination situé dans la Maison des Nations unies à Antananarivo. UNICEF/2023/Rimoyal Ratnan
La campagne de vaccination des adultes contre la poliomyélite à Madagascar est un exemple frappant de la manière dont des stratégies de CSC adaptées peuvent permettre de surmonter les obstacles et d’atteindre les objectifs de santé publique. En luttant directement contre l’hésitation vaccinale, en encourageant les partenariats stratégiques et en faisant preuve de leadership, la campagne a non seulement protégé les populations vulnérables, mais a également créé un précédent pour les futures initiatives ciblant les adultes.
Rédigé par HABA Koioro Seny Charlotte, consultante STOP pour la gestion des données et le CSC, UNICEF Madagascar
Édité par Daria Shubina, spécialiste de la gestion des connaissances, SBC Polio, au siège de l’UNICEF à New York