Au Bénin, une approche novatrice pour éliminer la poliomyélite : Des progrès portés par la participation communautaire et l’innovation numérique
Résumé
Cet article présente l'approche innovante du Bénin pour l'éradication de la polio, en mettant en avant l'engagement communautaire et l'innovation numérique lors de la campagne de réponse du 2 au 5 février 2024.
Au Bénin, une approche novatrice pour éliminer la poliomyélite : Des progrès portés par la participation communautaire et l’innovation numérique
Note d’information sur la mise en œuvre de la campagne de lutte contre la poliomyélite menée du 2 au 5 février 2024
Dans le cadre de l’initiative mondiale pour l’éradication de la polio, le Bénin a organisé une campagne de lutte contre la poliomyélite en réaction aux 27 cas de poliovirus circulant dérivé d’une souche vaccinale de type 2, dont 3 cas isolés de paralysie flasque aiguë et 4 cas identifiés dans le cadre de la surveillance environnementale en 2023, et aux 20 cas isolés en 2022, dont 12 cas de paralysie flasque aiguë et 8 cas identifiés dans le cadre de la surveillance environnementale. Une intervention avait été organisée en octobre 2022, mais elle avait été suspendue à la suite de manifestations postvaccinales indésirables. Cette situation a exacerbé les rumeurs et la méfiance à l’égard de la vaccination.
Pour remédier à cette situation et en réponse aux conclusions des spécialistes des manifestations postvaccinales indésirables, le Ministère de la santé, avec le soutien de ses partenaires (UNICEF, OMS, Centre pour le contrôle et la prévention des maladies d’Atlanta, Rotary, etc.), a organisé une campagne de lutte du 2 au 5 février 2024 dans 13 municipalités de 5 départements (Atlantique, Borgou, Donga, Littoral et Ouémé) exposés au risque d’épidémie de poliomyélite pour renforcer l’immunité de 1 396 797 enfants de moins de 5 ans.
Préparation de la campagne
Des activités de communication ont été menées en amont de l’intervention afin d’obtenir des décideurs et des leaders d’opinion qu’ils aident le personnel de santé à sensibiliser et rallier la population. Ces activités ont notamment consisté en :
- Concevoir et produire des messages, des outils et des supports de communication, ainsi qu’un guide de formation à destination des acteurs de la communication ;
- Plaider auprès des élus locaux, des chefs religieux et des dirigeants d’associations de femmes et de jeunes ;
- Plaider auprès des chefs de village et des chefs traditionnels ;
- Former des superviseurs locaux, des animateurs radio, de jeunes U-Reporters, des relais et des utilisateurs de mégaphone concernant les messages à diffuser et les stratégies de communication à adopter ;
- Lancer officiellement la campagne de lutte sous l’égide du Ministre de la santé.
Mise en œuvre de la campagne
Pendant la campagne, les équipes de vaccination et les agents de mobilisation/relais communautaires ont fait l’objet d’une supervision étroite à tous les niveaux de la hiérarchie du système de santé dans l’objectif de vacciner tous les enfants âgés de 0 à 59 mois dans chaque municipalité des cinq départements. Le Ministre de la santé a fait montre d’un engagement sans faille lors des réunions de coordination organisées quotidiennement avec l’ensemble des parties prenantes de l’intervention, en présence de représentants de l’OMS et de l’UNICEF. En outre, l’utilisation des outils numériques ODK Forms et KoboCollect a contribué à renforcer le mécanisme de supervision sur le terrain. Grâce à la mise en œuvre de politiques de santé communautaire dans 11 des 13 municipalités ciblées, des relais communautaires ont été déployés au sein de leurs clusters afin d’engager le dialogue avec les parents dans chaque ménage et de gérer les refus avec le soutien de leurs superviseurs.
Résultats de la campagne
Après la campagne, l’OMS a assuré un suivi indépendant et effectué un contrôle par échantillonnage de la qualité des lots pour évaluer la qualité des interventions dans les municipalités mentionnées. Ces efforts ont permis d’obtenir les résultats suivants :
- 91 % des parents ont été sensibilisés avant la visite des équipes de vaccination ;
- 1 429 423 enfants âgés de 0 à 59 mois ont été vaccinés, atteignant un taux de couverture du vaccin de 102 % ;
- 5 % des enfants âgés de 0 à 59 mois n’ont pas été atteints dans le cadre de la campagne (dont 53 % en raison de leur absence et 25 % du refus des parents) ;
- Pour justifier leur refus, les parents ont invoqué la maladie de l’enfant dans 36 % des cas, les effets secondaires dans 34 % des cas et d’autres raisons dans 22 % des cas ;
- 13 lots sur 22 ont été acceptés dans le cadre du contrôle par échantillonnage de la qualité des lots, soit 59 %.
- 262 cas de refus non résolus ont été relevés dans 89 localités de cinq départements.
L’identification rapide des motifs de refus de la vaccination avancés par les parents comptait parmi les principales mesures du plan de redressement.
L’UNICEF a apporté son soutien à la Direction Hygiène et assainissement de base et de la santé communautaire (DHAB-SC) du Ministère de la santé du 2 au 26 avril 2024 dans la réalisation d’une enquête rapide sur les localités identifiées comme refusant la vaccination. Treize séances de discussions en groupes et 34 entretiens approfondis menés dans 32 villages à travers 14 municipalités ont contribué à mettre en évidence les véritables causes du refus de certains parents de faire vacciner leurs enfants âgés de moins de 5 ans. L’enquête a révélé :
- Un manque de confiance dans le vaccin contre la poliomyélite ;
- L’absence de traitement gratuit des manifestations postvaccinales indésirables ;
- Un accueil défaillant dans les centres de santé ;
- Des suspicions quant à la qualité du vaccin ;
- Un sentiment de découragement envers les décideurs politiques du pays ;
- Une défiance à l’égard des agents de vaccination ;
- De l’ignorance et des malentendus ;
- Une prestation inégalitaire des services sociaux de base.
À l’issue d’un certain nombre de séances de discussions en groupe et d’entretiens approfondis, les chercheurs ont fourni des informations à même de dissiper les inquiétudes et les appréhensions des parents quant à la qualité du vaccin et à la vaccination contre la poliomyélite. Par conséquent, 176 parents, dont 105 femmes, ont été sensibilisés dans le cadre des discussions en groupe et des entretiens approfondis. Les parents ont fini par accepter de s’engager à faire vacciner tous les enfants âgés de 0 à 59 mois au cours de la prochaine campagne.
En outre, toutes les informations recueillies auprès de parents d’enfants âgés de moins de 5 ans et, plus largement, de la communauté seront exploitées afin de proposer des stratégies de communication et des messages appropriés pour permettre à chaque localité de convaincre les parents réticents de faire vacciner leurs enfants au cours des prochains cycles de vaccination.
Les clichés ont été pris lors de séances de discussions en groupe et d’entretiens approfondis dans des localités ayant refusé la vaccination contre la poliomyélite au cours de la dernière campagne.
par Équipe CSC de l’UNICEF au Bénin